Olga s’essuie les mains sur le tablier. Le facteur vient de lui délivrer la lettre qu’elle attendait tant ! Enfin son sacripant de mari lui écrit !
La lettre est postée de Paris Trocadero du 7 août à 18H15. Elle lui avait écrit il y a plusieurs jours… avait tiré la sonnette d’alarme. Il est beau son mari à être dans la capitale parisienne à profiter de la vie ! Elle, elle est restée en Roumanie avec les petits. Emma, sa petite belle sœur a suivi son frère là bas dans ce Paris dont elle rêve, elle va s’inscrire aux cours pour apprendre le français, peut-être devenir interprète, traductrice.
Elle a lu attentivement l’écriture de son mari, cherchant entre les lignes les signes de tendresse ! Tu parles la tendresse !! Mais elle rêve ! Bien sûr il s’inquiète des deux plus petits restés avec elle, surtout de Jean-Guy. Son chouchou. On dirait qu’il est le centre du monde ce gamin-là ! La petite Laure il n’en parle même pas. Mais son Jean-Guy… tout son portrait comme tout le monde dit ! Si ce gamin est aussi égoïste que son père… ca promet !
Elle pose la lettre sur le buffet, et l’enveloppe glisse par terre.
Elle se baisse pour la ramasser et découvre le petit bout de texte déchiré… « … nous rentrerons que le 23…. A toi de décider si cela est possible…et pratique pour les enfants – et pour toi pour la suite »...
Elle pâlit et s’asseoit ! A qui peut il donc écrire ??? Elle devine, subodore, entend, ressent au fond du ventre…. La sonnette d’alarme retentit ! Le 23… à elle, il lui a dit le 30 ! Ca veut dire… ca veut dire … C’est ce qu’elle soupconne ! Il a une maitresse attitrée, une double vie, et il rentre avant pour pouvoir aller d’abord chez sa maîtresse. C’est pour cela que il est tellement impatient que les enfants guérissent vite. Pour qu’il soit tranquille.
Le salaud ! Il va me le payer !! Il va voir de quel bois je me chauffe !
Elle écume de rage, de rancoeur, d’années passées à torcher le cul de ses gamins. Tout. Tout. Elle lui a tout donné. Sa vie. Sa jeunesse.
La montre gousset qu’elle lui a offert pour son dernier anniversaire… Elle l’éclate d’un pied rageur.. la réduit en purée… « tiens, lui dit-elle …. Ca fait de la diarrhée de temps… de ce temps que j’ai donné »
Elle lui a tout donné. Tout. Sa passion. Son métier. Même l’amour de la musique.
Elle s’assoit au piano. La partition de Johann Strauss est là… Ses doigts s’envolent, courent sur les touches, les pieds pédalent avec fureur. Toute son amertume passe dans le piano.. notes folles … notes douloureuses… larmes amères…
Deux petites têtes passent le nez à la porte. Laure et Jean-Guy écoutent médusés leur mère qui se déchaine… Elle s’arrête. Leur sourit…
« Savez vous mes petits chéris… nous allons faire une petite surprise à papa, et à Emma … nous allons aller à Paris pour le rejoindre… le 22 août et nous aurons toute une semaine pour profiter, balader, sortir… C’est pas une bonne idée ca ?? »
Les gamins exultent. Jean-Guy va chercher un billet de un dollar, dans sa tirelire.
Tiens maman, je t’achèterais un cadeau.