Il faut bien rendre acceptable cette vérité saisonnière : l’été nous convertit en doux cannibales !
Piquer un fard, rosir de plaisir, verdir de rage, blêmir de peur...
Avoir la chair de poule , les mains moites d’attendre l’être aimé qui ne vient pas, et frissonner de tout son être, quand ayant renoncé à l’attendre, il surgit d’on ne sait où avec le sourire.
Notre peau est l’écran sur lequel s’impriment nos émotions, une frontière naturelle entre le dehors et le dedans, capable de s’autoréparer en cas de blessure ( et celles de l’âme n’ont-elles pas besoin d’une autre peau … ? ), nous protège des agressions extérieures, mais trahit notre territoire intime !…
Sur elle tout se voit de ce que nous voulons cacher , parfois. Nos vexations, nos plaisirs inavoués, nos colères rentrées, notre stress etc…D’ailleurs, dans émue, il y a mue .
De tous les sens, je ne suis pas loin de penser que le toucher est le plus complet et le plus indispensable.
Nous pouvons regarder sans être vus, écouter quelqu’un qui ne nous entendra jamais, respirer le parfum d’une fleur qui ne saura rien de notre odeur et déguster une tarte ( une vraie, pas de celles qui ont un pseudo sur la toile ) aux myrtilles sans qu’elle ne nous croque à son tour.
Mais * je * ( parce que je ne sais pas , vous ? ) ne peux pas toucher sans être touchée !
La peau impose une réciprocité immédiate ; je touche, donc je suis touchée.
En été, parce qu’elle est nue, ses pouvoirs s’exacerbent ; elle est belle à voir, bonne à goûter, enivrante à sentir. Papier buvard, elle absorbe les parfums de la saison, même les plus immatériels …
L’odeur du sable avec ses effluves de mer sèche ; de l’orage ( celui qui rôde par exemple depuis ce matin autour du lac, qui change de couleurs d’écume toutes les 5 minutes, sans se déclarer, et qui rend les sentes de la ville aussi moites que les aisselles des passants )…de l’orage, donc, qui sent le lac et le géranium ; du soleil, cet étrange mélange de fer et de miel.
Peau de pêche, d’abricot ou d’ébène, duveteuse comme les feuilles de violettes sauvages, satinée à l’égal d’une rose épanouie ; on dirait qu’elle se végétalise par mimétisme ou se minéralise pour ne pas avoir trop chaud.
Lisse comme un galet de ruisseau ou de porcelaine à tant rechercher la fraîcheur de l’ombre, elle ose le perlé-cloqué des tissus les plus voluptueux, quand l’eau de la douche s’accroche au fin duvet du ventre.
La saison n’appelle-t-elle pas la caresse et l’appétit ?
Quand bien même le blues s’invite par inadvertance et s’accroche, tuant les mots , les rêves, les couleurs jusqu’au cliché en noir et blanc plus les restes…
Car elle a du goût la peau !
Qui n’a pas envie de se lécher les poignets comme les enfants, pour ne rien perdre de la crème glacée qui coule au soleil ?…
Ou de mordre tant que possible, encore et encore , les bras salés-sucrés d’un …sentiment ( pour dire vrai, de l'amant (e) )
Bleue